Les Moires sont trois sœurs (Clôthô, Lachésis et Atropos) que les Latins nommeront les Parques et qui sont comme autant de visages, de facettes ou de saisons d’une unique Moïra. Pour chaque mortel, elles accordent une mesure de vie, dont elles règlent la durée, la première en filant la laine (c’est la naissance), la seconde en enroulant le fil (c’est le déroulement de la vie), la troisième en le coupant (c’est la mort).
Elles suscitent chez les Grecs des sentiments et des attitudes marqués par l’ambivalence : aimées et détestées, désirées et redoutées, elles se situent à la fois en dessous et au-dessus des dieux. La Moire ou Moïra n’a pas de représentation : elle est le Destin de chacun, la part dispensée à chaque homme, le lot qui lui est échu. Ses décrets sont inflexibles et les dieux, qui pourtant peuvent tout et sont parfois tentés de passer outre, s’inclinent, désertant leurs plus chers protégés.
De plus, si la liberté des dieux consiste précisément en ceci qu’ils acceptent des décrets qu’ils ont, contrairement aux mortels, le privilège de connaître et le pouvoir de contrecarrer, il n’y a de liberté pour les hommes que dans la mesure où eux aussi acceptent – même à contrecœur – la part qui leur est échue et s’efforcent d’en faire le meilleur usage, sachant que, quand leur heure sera venue, c’est seulement dans la mémoire des générations futures qu’ils pourront espérer survivre.
Les Moires déterminent l’heure du début et l’heure de la fin. Elles sont le destin constituant l’histoire de chaque jour.
Voilà en résumé ce que dit la mythologie grecque.
À la demande de Dominique Lemaître, Alexis Pelletier, a écrit un long poème qui constitue la « colonne vertébrale » du monodrame. Ce sont les images du destin, de l’avenir et ce qu’elles disent dans les mots, aujourd’hui, qui président à l’écriture de ce poème. En aucun cas, il ne s’agit d’un geste néoclassique de réinvestissement du mythologique. Sur la figure des Moires, Alexis Pelletier peut convoquer des références multiples qui concernent aussi bien un aphorisme de René Char, qu’une indignation devant le recul des libertés essentielles. L’ensemble construit une manière de se confronter à l’incertitude du futur dans une période – la nôtre – particulièrement instable. L’ouverture à l’autre devient alors la seule chance possible pour chacune et chacun.
Rappelons qu’un monodrame réunit traditionnellement une voix parlée (récitant), un chœur et un orchestre. Pour cette déclinaison « de chambre » du monodrame, nous utilisons un récitant, trois sopranos-choristes (…comme une allusion directe aux Moires) et un petit ensemble instrumental.
Extraits sonores
Nomenclature
récitant, trois sopranos et six instruments (fl./fl.en sol, cl.sib/cl.basse, perc., hpe., alto, vlc.)