Trois pièces

pour guitare solo

Gontran Dessagnes

L’identité réelle de compositeur de Gontran Dessagnes vient s’exprimer avec la guitare et la rencontre générée par son professeur fraîchement nommé, Fernand Fernandez-Lavie, avec les prestigieux solistes Alexandre Lagoya et Ida Presti, devenus très vite ses amis et principaux dédicataires. En effet, M. Lavie eut la bonne idée de montrer au duo Presti-Lagoya qu’il connaissait très bien, et à l’insu de Gontran Dessagnes, lors d’une master-class pour la nouvelle classe de guitare, une modeste pièce de concours, Danse noble pour guitare solo, que Gontran Dessagnes lui avait dédiée le 11 octobre 1954. Suite à cela le prestigieux couple voulut rencontrer le compositeur. Et quelques jours plus tard, en ce même mois d’octobre 1954, naissait sous la plume de Gontran Dessagnes Tendresse, première pièce solo dédicacée à Ida Presti.

De forme ABA̕ à retour, Tendresse comprend deux thèmes. S’il ne subsiste aucune incertitude sur la composition personnelle du premier, de caractère tendre et recueilli, la nature modale en sol éolien et l’allure générale du deuxième résonnent avec de lointains échos simples et populaires, laissant planer le doute sur son origine, sensation encore renforcée quand on sépare le thème de son harmonisation moderne, parfois chromatique ou avec des altérations ajoutées, et que l’on isole les quatre premières mesures des cellules monodiques de base de leur développement.

Est-ce que Gontran Dessagnes a pu déjà dans Tendresse faire un emprunt à la musique arabo-andalouse sans le signaler ? Est-ce qu’à l’instar d’un Bartók pour les folklores d’Europe de l’Est, le compositeur imprégné de musiques algériennes a pu reconstituer – en conscience ou pas – les courbures des thèmes authentiques de la çanâa ?

Le compositeur offrit à Ida Presti le 23 octobre 1954 un Prélude pour solo, tout à fait contemporain à l’écriture du Prélude et fugue pour piano de la même période de l’année. Il faut voir dans ces courtes pièces à la fois une référence à Jean Sébastien Bach (M. Lavie fut un transcripteur actif de ce répertoire pour guitare), que Gontran Dessagnes appelait dans ses conférences « le père, le créateur de toute notre musique, la source inépuisable de tout ce qui fut créé dans notre art jusqu’à nos jours, l’immense l’admirable, le génial Jean Sébastien Bach », mais aussi à Chostakovitch, compositeur admiré par le pianiste et chef d’orchestre audacieux, qu’il fut un des premiers à interpréter en Afrique du Nord en temps de guerre dans les années 1940.

En outre, toutes ces petites pièces sont conçues comme « œuvres d’essai », l’écriture pour guitare restant à découvrir, et étant réellement antinomique avec celle pour piano que Gontran Dessagnes maîtrisait parfaitement. Ces modestes esquisses, même pour solo, étaient déjà très appréciées du couple Presti-Lagoya, qui n’hésitait pas à les inclure dans des récitals de musique française à l’étranger, comme par exemple pour Danse noble interprétée lors d’un concert au Royaume-Uni en 1955. Le couple lui commanda alors le concerto pour deux guitares et orchestre à cordes, achevé le 11 mai 1955 et créé à Paris, salle Gaveau, en 1956 sous la direction de Ferdinand Oubradous.

Marybel Dessagnes