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Un trouble si clair

The anatomy of…

Le sous-titre de l’œuvre provient de l’un des traités les plus considérables de la période élisabéthaine : The Anatomy of Melancholy fut composé en 1621 par Robert Burton alias Democritus Junior. Il s’agit d’une vaste somme peuplée de 13 133 citations définissant et déployant tous les maux plus ou moins directes que produit l’humeur mélancolique. Son remède se partagerait entre folie et utopie en relation aux savoirs.

Ce corpus incarne le projet, la maille liquide, pour reprendre une expression de Georges Didi-Huberman, du cycle de compositions comme résultat de formes dynamiques d’études aux empruntes encyclopédiques. Ce cycle va de la pièce solo à celle pour grand orchestre, leur durée n’excédant pas les huit minutes. Chaque miniature serait alors une sorte de table anatomique, si l’on peut dire, où se projette l’exercice d’un foyer des tangentes dans lequel s’élabore de nouveau, à même l’humeur entretenue, l’opération reconduite des constituants opérables d’un carré magique comme empreintes emblématiques. Les pièces qui constituent ce cycle favorisent une forme d’excès propre au matériau. De sorte qu’elles s’approchent davantage d’un ciblage, d’un criblage via le forceps de telles et telles contraintes canalisantes dans lesquelles le matériau, dans son aberration transgressive – qui est le propre de ses stratégies troublées – ne finit pas de se rematérialiser, de s’empeupler en raison du leste et de la tension fertile du dépli de ses tissus. Cet ensemble de pièces dévoilerait également un rapport inhérent à ce qu’une notion de dépense implique comme perte et épuisement organique (vitium corruptae imaginationis), face à une production in process, in transgress.

L’œuvre, entourée d’un incipit et d’un excipit, se divise en quatre parties et aura eu pour allié, une suite de nombres premiers. La première section est d’ordre canonique, la seconde privilégie la mélodie d’un phrasé, la troisième – la plus rapide et la plus sinueusement troublée aussi – emploie la pédale de résonance de manière progressive par augmentation et par diminution de sa course afin de mieux clarifier ou troubler le dessein des mesures précipitées, la quatrième repose, comme la première, dans un processus polyphonique, mais cette fois-ci en négatif, en ruine si l’on peut dire. L’emploi indicatif de l’adverbe « quasi » dans la dernière partie, renvoie à une échelle différentielle de valeur voire même à un facteur anagogique. Cet « espace du presque » pourrait renvoyer à ce que Louis Marin aura démontré avec éloquence dans sa lecture de Pascal comme un « marqueur d’approximation » évaluant la force du péril de sa pensée. Cette indication serait ici une forme a priori approchante du degré perceptif impliqué par le seizième de ton. La violence de sa fragilité dans sa tension, son tendre vers, sa verrière d’atteinte, son verbe entendre pour répondre au monde que nous produisons, au monde que nous anéantissons.

L’œuvre est dédiée à Bernd Asmus.

Franck Christoph Yeznikian

Nomenclature

piano en seizième de ton