Recueil poétique publié pour la première fois en 1874, les Romances sans paroles de Verlaine ont inspiré à Charles Bordes quatre mélodies qui comptent parmi les plus marquantes de son œuvre pour voix et piano. Deux d’entre elles ont été créées en concert avec orchestre : Sur un vieil air et Dansons la gigue.
Bien que composées à cinq ans d’intervalle, elles s’inscrivent dans un même projet de « mélodies sur des thèmes donnés », thèmes que le compositeur développe dans la partie d’accompagnement. Bordes introduit ainsi dans ces mélodies une dimension intertextuelle entre poésie et musique : pour Sur un vieil air, il imagine que l’« air bien vieux » égrené sous la « main frêle » du poème n’est autre que la célèbre romance Plaisir d’amour de Martini, composée un siècle plus tôt. Pour la mise en musique du premier poème de Streets, que Verlaine indique avoir écrit dans le quartier de Soho à Londres, il choisit l’air britannique The Keel Row, dont les accents viennent ponctuer ironiquement le refrain de la mélodie Dansons la gigue.
Les deux autres pièces du cahier, écrites pour voix et piano, sont vraisemblablement contemporaines des Paysages tristes (1886), cycle consacré aux Poèmes saturniens. La déception amoureuse s’y exprime tantôt sur le mode de l’abattement, que caractérisent un tempo très lent et une grande économie de moyens dans Ô triste, triste était mon âme, tantôt par le désespoir né du souvenir et de la séparation, que Bordes dépeint dans une agitation musicale croissante, culminant sur le « hélas » final de Spleen.