Pvlvere

poudres et poussières

Il ne serait pas inexact de considérer Pvlvere comme une vaste trame tissulaire dans laquelle viennent apparaître et disparaître des figures spectrales comme celle approchée de Robert Schumann et celle d’un Carl T. Dreyer dans les étranges reflets de son Vampyr (Der Traum des Allan Gray).

De forme en quatre parties, cette pièce qui fait pour la première fois dans mon parcours se rencontrer les sons fixés avec ceux qui sont produits par les instrumentistes, décrit par deux reprises la narration implosée à travers la pulvérisation. La densité de l’œuvre remonte à un long parcours commencé en 2002 dans la lecture imprégnée d’un texte, L’Aiguille et le Papillon ou Le Dispositif du silence perçant de Georges Didi-Huberman. C’est à partir de cette lecture enrichie par la découverte des
planches du photographe Éric Poitevin portant sur une série de papillons en voie d’ultime poudroiement, là où le pigment des ailes vient à se confondre avec des poudres tirant sur la cendre pour atteindre ce destin de poudre, mais aussi à travers toute la dimension de l’hallucination passant par l’audible et le visible que Rilke entend battre dans ses Cahiers de Malte Laurids Brigge, qu’une toile de fond s’est élaborée pour me permettre d’écrire Pvlvere.

Déplaçant l’accent ou suivant davantage ce que l’image implique comme travail d’associations et de glissement, j’ai poursuivi par une analyse du Vampyr de Carl T. Dreyer pour cerner qu’une sorte de traduction en image que je cherchais dans ce film, à l’aide d’un ralentissement extrême du flux, pouvait dissimuler à ma perception la figure de Robert Schumann à travers notamment la question de l’hallucination. La marque laissée par ce film m’a même amené à en citer des éléments. C’est à ce titre que l’on peut trouver dans le dernier mouvement de Pvlvere une phrase de Dreyer prélevée à partir d’un entretien mais surtout un extrait sonore du film provenant de la scène finale où Gisèle, la sœur de Léone, vampirisée, et David Gray tentent de regagner l’autre rive sur une barque à travers l’écran d’une brume épaisse. Toute cette dernière partie du film qui se trouve
inversement scandée par l’enlisement dans une poudre crayeuse du médecin peut aussi se regarder à partir du mouvement d’un tourbillon d’atomes. Le cinéaste n’a-il pas réussi dans ce film à convoquer assez de densité pour rivaliser avec les structures qui gouvernent le monde des rêves ?

Mais c’est à l’intérieur de mon attachement à l’œuvre de Robert Schumann que j’en suis arrivé à considérer la vision de ce film comme pouvant revêtir les motions d’un rêve qu’aurait pu faire le musicien-poète. Vu sous cet angle-là, les personnages prennent un contour qui peut laisser entrevoir des éléments qui se rattacheraient à sa propre biographie.

Franck Christoph Yeznikian

Nomenclature

1 clarinette basse, 1 violon, 1 violoncelle, 1 piano, bande et électronique