On ne sait pas toujours que Rilke, au soir de sa vie, a écrit quelques poèmes en français. Il en donne un motif admirable au milieu même de son recueil Vergers :
Peut-être que si j’ai osé t’écrire,
langue prêtée, c’était pour employer
ce nom rustique dont l’unique empire
me tourmentait depuis toujours : verger.
Qu’un seul mot, et des plus fragiles, puisse entraîner à tout un exercice, voilà qui doit continuer à nous émouvoir. N’est-ce pas aussi, parfois, par la grâce d’un seul poème, mystérieusement élu, qu’un compositeur se mue soudainement en interprète et tâche, à des mots pourtant définitifs, de donner un surcroît de saveur, sinon de sens ? D’autres, pour ce Rilke français, l’ont fait avant moi : Milhaud (les Quatrains valaisans), Durey, Barber, Hindemith. J’ignore à quoi, devant ces pages, ils voulaient répondre, mais je puis dire ce qui m’y a retenu : le tremblement, bien perceptible à qui approche son oreille, d’un langage en effet « prêté », et qui n’échappe pas (qui ne veut peut-être pas échapper) aux plis, aux creux, aux gaucheries étranges de l’étranger, non moins valables, entre les mains d’un tel artiste, que l’exactitude lisse et lustrée de l’indigène, – et souvent chargés, comme la fausse note en musique, d’une inexplicable et violente beauté.
Sommaire
- 1. En hiver, la mort
- 2. À la bougie éteinte
Panorama de presse
La musique de Guy Sacre est profondément fidèle à la lettre et à l’esprit des poèmes, fluide et discrète, prenante mais toujours au service des textes. Pour reprendre une expression familière, ces trois recueils sont à écouter sans modération !
Daniel Blackstone, L’Éducation musicale
Extraits sonores
Nomenclature
voix moyenne et piano