Depuis un bon siècle et demi, le nom d’Eugène Scribe, inventeur du vaudeville moderne, dramaturge le plus populaire d’Europe un siècle durant et librettiste le plus respecté de son époque, est devenu pour les élites synonyme de médiocrité académique et bourgeoise. De nos jours, il n’est connu que des amateurs d’opéra. Pour ceux-là, il n’est guère plus qu’une signature au bas d’œuvres rarement exécutées (Les Huguenots, La Juive, Robert le Diable, Fra Diavolo…)
Or, la principale cohérence de ces œuvres réside dans leurs représentations des rapports sociaux de sexe. Cela est vrai des grands opéras qui, systématiquement, mettent en scène pour les dénoncer des fanatismes masculins (politico-religieux, comme dans La Juive, Les Huguenots ou Le Prophète, impérialistes comme dans L’Africaine, ou simplement phallocentriques et homo-sociaux, comme dans Robert le Diable), fanatismes dont les femmes sont systématiquement les victimes. Ceci est encore plus vrai, peut-être, des opéras-comiques que l’on joue encore parfois (Le Comte Ory, Fra Diavolo, Le Cheval de bronze ou Les Diamants de la couronne, où l’on rencontre un authentique féminisme à une époque où celui-ci en est encore à ses balbutiements en France).
Grâce à des éléments relevés dans la biographie due à Jean-Claude Yon, je crois entrevoir d’ores et déjà les origines personnelles et psychologiques de la gynolâtrie – cette sorte de proto-féminisme – dont Scribe fait preuve dans ses livrets, et qui va de pair avec une critique étonnamment systématique des travers de la masculinité (fanatisme, donjuanisme, violence, égoïsme, sur-idéalisation des femmes et de l’amour passion, jalousie, etc.)
C’est donc par l’examen de douze livrets d’opéras et d’opéras-comiques, et ce à travers le prisme des rapports sociaux de sexe, si peu pratiqué encore de nos jours en France, que j’entends réhabiliter cet auteur si mal-aimé.
Panorama de presse
Un texte orienté mais stimulant, qui a pour premier mérite de considérer le livret d’opéra comme un genre littéraire en soi, et non comme un élément secondaire, et qui porte un regard bienveillant sur un écrivain auréolé de gloire en son temps, mais victime aujourd’hui d’un certain dédain […]. Scrutées de près par Burch, les positions de Scribe, féministes et politiques, sont loin d’être anodines.
Michel Parouty, Opéra magazine
Pour résumer, Noël Burch étudie comment un honnête homme, quoique imprégné de la culture bourgeoise du xixe siècle, a pu instiller des idées novatrices et courageuses dans des livrets d’opéras destinés à la même classe bourgeoise. Il a certainement ainsi contribué à l’évolution des mœurs, et, pour cela, mérite notre attention.
Bruno Peeters, Crescendo
La contribution très personnelle de cet historien du cinéma présente beaucoup d’intérêt, car cette réflexion, enrichie de multiples commentaires d’extraits de ces livrets, se révèle aussi pertinente que rigoureuse. […] Rédigé d’une plume élégante et fluide, ce texte teinté d’humour donne envie de plonger ou de replonger dans ces opéras bien plus riches qu’ils ne le paraissent.
Sébastien Foucart, Concertonet