Bien loin de constituer un ouvrage isolé dans l’œuvre de Camille Saint-Saëns, Ivanhoé appartient à un ensemble réalisé dans le contexte particulier du concours pour le prix de Rome. Institué en 1803, supprimé dans la foulée des événements de mai 1968, ce dernier fut pendant longtemps le plus convoité des prix français de composition musicale. Organisé par l’Institut, il garantissait à ses lauréats, à défaut de l’assurance d’une future carrière sans embûches, du moins l’entrée par la grande porte dans le monde artistique et quelques années de pension en Italie, à la villa Médicis. De fait, bien peu résistèrent à l’attrait de cette récompense susceptible de marquer avec éclat l’aboutissement de longues années d’études. Que l’auteur de la Danse macabre s’y soit présenté n’a finalement rien d’étonnant. Mais bien qu’appelé à devenir au tournant du siècle l’un des plus illustres représentants de l’art académique, il n’obtint jamais le fameux premier grand prix. Certes, il serait aisé de mettre son premier échec, en 1852, sur le compte de l’inexpérience, mais son second et dernier, douze ans plus tard, demeure plus surprenant : ayant presque atteint la limite d’âge, le musicien n’est alors plus un novice. Est-ce sa situation d’artiste déjà établi qui lui valut d’être écarté ? Rien ne peut le confirmer, mais il n’en reste pas moins qu’après avoir été placé en tête des six candidats admis à l’épreuve finale en juin 1864, il échoua finalement au profit de Victor Sieg, camarade appelé à un destin autrement plus modeste.
Composé par Victor Roussy, le livret d’Ivanhoé s’inspire d’un épisode du roman éponyme de Walter Scott. Tout en répondant aux obligations d’une cantate de Rome, il exploite différents antagonismes susceptibles de mettre en valeur les candidats les plus talentueux. Sur fond de tensions entre Saxons et Normands dans l’Angleterre de la fin du xiie siècle, il développe l’amour impossible et unilatéral de la juive Rebecca pour le chrétien Ivanhoé, la grandeur d’âme de ce dernier répondant à l’ambiguïté de son ennemi Bois-Gilbert, pris quant à lui par son désir pour la jeune israélite. Entre histoire et religion, c’est un véritable petit opéra qui se développe dans ces cinq courtes scènes.
Bien qu’inégale, la partition de Saint-Saëns est remarquablement variée. Si certains airs purement strophiques peuvent nous sembler convenus, nous ne pouvons qu’admirer son sens de la mélodie, l’efficacité de ses progressions dramatiques ou certaines fulgurances comme cet étonnant épisode vocal sur une simple note tenue. Œuvre de transition, Ivanhoé n’en contient pas moins certains aspects d’une écriture déjà personnelle, notamment cette volonté d’unification par des motifs conducteurs ou son goût prononcé pour les trames orchestrales denses qu’une instrumentation limpide vient éclaircir. Autant de qualités que le musicien ne tardera guère à mettre en pratique… son chef-d’œuvre lyrique, Samson et Dalila, ne fut-il pas entrepris dès 1867 ?
Sommaire
- Prélude
- Récit : « D’où vient que par moment » (Rebecca)
- Prière : « Sion, berceau de mon enfance » (Rebecca)
- Récit : « Rebecca ! » (Rebecca, Bois-Guilbert)
- Air et Récit : « Au mont Carmel en Palestine » (Rebecca, Bois-Guilbert)
- Duo : « Juste ciel que j’implore » (Rebecca, Bois-Guilbert)
- Duo : « J’ai prié trop longtemps » (Rebecca, Bois-Guilbert)
- Trio : « Ivanhoé !… Quoi !… Lui ! » (Rebecca, Ivanhoé, Bois-Guilbert)
- Chant et Trio : « Oui, malgré mon jeune âge » (Rebecca, Ivanhoé, Bois-Guilbert)
- Récit : « À travers les vitraux » (Rebecca)
- Air : « Près du bûcher en flamme » (Rebecca)
- Final : « Mais que vois-je ? » (Rebecca, Ivanhoé)
Extraits sonores
Un enregistrement sur disque compact d’Ivanhoé de Camille Saint-Saëns est disponible sous le label Glossa Music.
Nomenclature
voix et piano (réduction)