Ce quatuor – comme l’opus 18 n° I – s’abreuve aux sources de Corinna, poétesse grecque (VIe siècle avant J.C.) dont ne brille aujourd’hui plus qu’une infime partie de l’œuvre. En dépit des lacunes et irrémédiables pertes, les fragments qui nous sont parvenus présentent une métrique originale qui influença notamment les Odes antiques d’Horace ou d’Ausone et probablement aussi les maîtres de la Renaissance en quête de « musique mesurée à l’Antique », tel Claude Lejeune.
En recueillant moi-même les dimètres choriambiques cultivés par Corinna, j’ai fait germer mes propres variations rythmiques. Cependant, ici, les cellules initiales, comme les graines d’un microcosme, ne sont en réalité que les reflets mouvants d’une grande forme qui régit l’ensemble (macrocosme). Dans cette mouvance, certains épisodes viennent nuancer et atténuer la perception du temps, sans la dissoudre totalement ; c’est presque un arrêt sur image où s’enchaînent les mille nuances d’un lever de soleil, un tempo sospeso où s’estompent les encres et tâches qui ensanglantent encore les ciels d’automne ; ils ont pu sidérer l’antique poétesse et inspirer un tel chant :
Aurore, laissant l’onde
d’Océan, a bu la sainte
lumière de la lune dans le ciel
Évoquant le quatuor op.18 n° II, Michèle Tosi écrit : « [les rythmes] tressent l’écriture du quatuor, dans une combinatoire aussi raffinée que secrète. La pièce d’un seul tenant alterne fulgurances rythmiques et plages plus étales, renouvelant d’autant les couleurs et les textures dans un spectre souvent très déployé. La constellation des pizzicati crépitants sous les doigts des interprètes dans la partie centrale est somptueuse dans l’acoustique généreuse de l’église, qui met idéalement en valeur le geste souple et inventif d’une écriture dont Ducol fait ployer les lignes avec une élégance toute singulière. »
Commande de Radio-France (1989)
À Corinna n° II a été créé par le quatuor Béla le 19 août 2015 au Festival international de quatuors du Lubéron.
Nouvelle version 2005