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Sonate pour piano no 21

« Codex Domini »


(édition scientifique)

À l’issue d’une longue période d’un silence alors ressenti comme nécessaire, Greif revient à la composition un peu plus de trois ans avant l’écriture de cette Sonate en 1994 achevée en tout juste un mois. Elle fait donc partie de la production des dernières années de création.

Très attentif quant au choix des titres pour ses œuvres, Greif semble s’être interrogé sur les divers sens accordés au mot « codex ». Ce terme porte, à l’instar de l’œuvre, plusieurs strates de compréhension, notamment comme un recueil de formules, voire un traité ou encore un texte de référence. Ainsi, l’œuvre peut être perçue comme le « livre du Maître » ou du « Seigneur » en référence aux Saintes Écritures, mais aussi comme le « livre de l’auteur » lui-même, le recueil où il concentre sa parole et délivre la quintessence de son art ; ce qui ne serait alors pas sans rappeler les codex de Léonard de Vinci par exemple. À l’image du Quintette « Le Dit du monde », op. 307, composé deux ans plus tard, ce codex musical pourrait être considéré comme « Le Dit d’Olivier Greif ». L’œuvre partage, en outre, la référence intertextuelle au Zohar avec la première version de la Sonate de Requiem pour violoncelle et piano (1979) et une autre plus ténue avec le quintette précédemment mentionné. Citation qui reste, au regard de la récurrence de bien d’autres, relativement rare au sein du répertoire greifien.

Non content d’attribuer le terme « Codex » en guise de titre, affichant ainsi clairement le caractère codé et a fortiori sibyllin de l’œuvre, Greif est allé jusqu’à le tisser au sein de sa trame musicale en basant son premier mouvement sur le motif mélodique issu de la correspondance lettres-notes comme en témoignent les mots inscrits en dessous du premier système de la première page : C-A-N-C-E-R C-O-D-E-X D-O-M-I-N-I. Un procédé, du reste, loin de lui être étranger puisqu’il se retrouve dans un certain nombre d’autres œuvres pour piano. Greif appréciait effectivement faire le portrait musical de certains de ses amis en usant de cette pratique ; concept de portrait qui, dépassant la simple correspondance alphabétique, trouve son apogée dans le cycle « radical et irréductible » des Portraits et apparitions, op. 359. Mais l’apparition principale infusant tout ce « livre sonore codé » est bien plus funeste : immergé dans la tonalité de mi bémol mineur que le compositeur Benoît Menut identifie comme représentatif de la mort et symbole de la déploration chez Greif, c’est le cancer qui vint insidieusement surprendre l’auteur tout juste trois mois avant la composition de cette Sonate qui se reflète ici, lui aussi tissé dans la trame harmonique.

La Sonate, d’une durée de 21 minutes et « codée jusque dans ses plus infimes détails », met en exergue deux thèmes principaux : celui du premier mouvement basé sur la chanson Domino composée par Louis Ferrari sur un texte de Jacques Plante et chantée par André Claveau en 1950, et celui ouvrant le dernier mouvement. Si Greif n’indique que rarement l’origine de ses sources ou de ses inspirations diverses, il a indiqué en page 6 du manuscrit de cette sonate un titre et une possible provenance de l’hymne utilisé : « (O Name, all other names above) attributed to Richard Farrant, c. 1530-80 ». En dessous, la mention d’une pagination indique qu’il a puisé sa source dans un ouvrage dont la référence reste inconnue. Il n’a pas été possible de retrouver l’association de l’air utilisé par Greif à l’hymne portant le titre O Name, all other names above, écrit par Frederick Lucian Hosmer et souvent chanté sur divers airs tels que Woodoaks, Windsor ou encore Arlington. En revanche, l’air sourcé par Greif, communément attribué au compositeur et dramaturge élisabéthain Richard Farrant, est connu sous le titre de Farrant.

Cette édition a été réalisée dans le cadre du projet « Recherches en musique : collaboration entre jeunes chercheurs et artistes » sous l’égide de la Société française de musicologie avec le soutien du ministère de la Culture et la collaboration de la pianiste Aline Piboule qui en a réalisé l’enregistrement en avril 2023 pour le label Artalinna (paru en avril 2024).

Anne-Élise Thouvenin

Sommaire

  • Préfacei
  • I. Varsovie-Prague1
  • II. Münich10
  • III.10
  • Notes critiques33
  • Variantes, corrections et remarques34
  • Biographie41

Extraits sonores

disque
Un enregistrement Coincidentia Oppositorum: Piano Works by Bach, Liszt & Greif par Aline Piboule est paru en avril 2024 chez Artalinna.

I. Varsovie / Prague

II. Münich

III.