Une aube en clair-obscur

Motet

Un frisson totalement inédit vous saisit avec les premières lueurs de l’aube qui percent les fumerolles de Santorin au-dessus de son abyssale caldeira. Votre souffle s’accorde peu à peu aux rythmes légers et miroitements incessants de cet épiderme marin où s’engouffrent d’antiques songes. Les premiers feux de Phébus, par-delà le halo igné de l’ancienne Thira, frappent d’un sceau indélébile le cœur encore transi. Par cette blessure au flanc des ténèbres, un poudroiement de lumières quasi surnaturelles vous transporte alors jusqu’au banquet des dieux. Une joie aussi intense qu’éphémère, comme une divine félicité sans rime ni raison, en un clin d’œil vous extrait de votre léthargie. Éclipse l’enfer de vos cauchemars. Sa flèche perfore la coque de vos rêves qui fusent soudain comme un magma d’images bouillonnantes.

Les images sonores de cette bluette musicale ne sont que les pâles reflets des couleurs et rayonnements telluriques gravés dans les profonds replis de votre mémoire. Des signaux tout à la fois sombres et sidérants, aveuglants et lumineux filtrent ci et là, bien au-delà des mots comme en chaque « motet » ! Une aube en clair-obscur n’en retrace que les vestiges, mais à travers eux, c’est une expression véritablement sacrée, aussi étrange que le Verbe johannique, mais qui vous relie aux mystères du monde, des hommes, peut-être même des ancêtres et des dieux. Et s’ils ne réussissent à dire un Dieu « Innommable, Unique, Tout-Puissant…», du moins réveillent-ils les gestes et enthousiasme de leur auteur car « la nuit devient lumière autour de moi » (Psaume 139). Puissent ces quelques notes entraîner également les auditeurs d’ici et d’ailleurs dans une danse aussi jubilatoire que possible !

Commande de Musique sacrée à Notre-Dame de Paris, 2013