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Le cri

sur un texte original de Dominique Dubreuil

Conformément à la commande du Phénix de Valenciennes, mon œuvre est bien un cri, et son titre fait référence au film éponyme d’Antonioni. Spontané et quasi naturel comme « La rage de vivre », le cri jaillit de cette pièce comme d’une bonne partie de mes compositions. Le double élan, amoureux ou de révolte, qui anime mon désir d’écrire, est en effet inlassable comme l’obsession et la violence du cri. Là, contre la banalité et l’indifférence quotidiennes, ici contre la corruption et l’argent qui – comme l’or du Rhin – font germer les convoitises et les guerres, au lieu des fruits et plaisirs de la terre.
À l’instar du texte original de Dominique Dubreuil, cet ouvrage fait alterner plusieurs voix. Celle d’abord d’un narrateur – ici confiée à Dominique Visse – voix singulière d’un contre-ténor tantôt distanciée (comme dans un théâtre brechtien), tantôt traversée de cris convulsifs. Celles ensuite des « tortionnaires » aux allures graves, brutales ou en demi-teintes, enjôleuses ou rauques. Auxquelles répondent les voix des « victimes » aux sonorités inventives : tantôt lancinantes et au bord de l’épuisement, tantôt poétiques et à fleur d’espoir, ces voix crient ou murmurent le traumatisme des interrogatoires et les ineffaçables « mâchoires de la mort ».
Mais peu à peu, dans le concert de leurs timbres multiples (Sprechgesang ou français, espagnol ou lyrique, parlato ou russe …), les voix se superposent et se troublent, parfois jusqu’à la confusion. Je ne voulais pas refaire la caricature manichéiste, infantile et désastreuse des bonnes consciences qui épinglent les bons et les méchants de chaque côté d’un « axe du mal ». Les « cosmocrates », juges et hérauts de cette géostratégie, ne sont-ils pas les nouveaux seigneurs du monde ? Leurs mots d’ordre et agissements « sécuritaires » à l’égard des nouveaux serfs ont-ils d’autres but que l’or (doré ou noir) qu’ils amassent pour eux seuls ?
Hommage à Ingrid Betancourt, ce modeste cri contribuera peut-être à faire entendre sa voix et celle d’une liberté intangible et sans compromis qui ne s’est jamais inclinée devant les dieux omnivores du profit et de la haine.

Commande du Phénix, texte de Dominique Dubreuil – Hommage à Ingrid Betancourt