Trois Poèmes de Supervielle

À chacun de nous, et sans effort, Supervielle peut parler « sa douce langue natale ». Ce n’est pas nécessairement le critère d’une poésie de haute lisse, et Mallarmé serait là pour nous dire précisément le contraire. Mais c’est celui d’une poésie quotidienne, paisible et rassurante, présente, fidèle à tous les paliers de notre vie, capable d’apprivoiser nos effrois et nos chagrins, de redoubler nos joies, et dans ses meilleurs moments de nous livrer le secret d’un fantastique à portée humaine. En témoignent ses bestiaires renouvelés, sa cosmologie naïve, sa botanique à fleur d’âme, son humour sans hargne et sans arrière-pensées. Il faut certes associer à Supervielle le beau mot dont Borges qualifie Verlaine : « innocent comme les oiseaux ».

Pour un musicien, autant que Verlaine, Supervielle est un trésor inépuisable. Tout, ou presque tout, chante spontanément, prodigalement, dans ces poèmes si fluides et si mouvants. L’art verlainien du vers est certes plus considérable (je parle du premier Verlaine, qui meurt avec Sagesse), plus sûr, plus retors aussi, habile à jouer de tous les subterfuges de la métrique et du rythme. Il n’y a pas l’ombre d’un procédé chez Supervielle, pour qui « écrire » n’est surtout pas « composer ». Dans « composer », c’est le préfixe qui est fautif, par tout ce qu’il suggère d’assemblage, de combinaison, de recours aux divers outils dont on apprend l’usage avec Banville. Chez Supervielle, on entend plus fréquemment la comptine que le poème : c’est probablement ce qui m’a retenu dans ces textes, – outre ce thème de l’âge, du temps indolore, de l’enfance à jamais perdue.

Guy Sacre

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