Marie Pleyel (1811-1875) et Sigismund Thalberg (1812-1871) comptèrent parmi les plus grands pianistes virtuoses du xixe siècle. Contemporains de Mendelssohn, de Schumann, de Chopin et de Liszt, ils ont connu l’un et l’autre une gloire immense, résumée par les titres de « roi » et de « reine » des pianistes que leur décernait la presse, de Londres à Saint-Pétersbourg. Par leur talent exceptionnel, ils ont suscité les passions, les jalousies, l’adoration, l’opprobre, le mépris.
Fils naturel d’un prince autrichien, Thalberg était la coqueluche de toutes les cours d’Europe ; égérie des artistes, Marie Pleyel mit à ses pieds musiciens et poètes, de Berlioz à Nerval. Mais c’est à Franz Liszt que leurs trajectoires sont le plus intimement liées. Du haut de son piédestal incontesté parmi les pianistes de l’époque, ce dernier considérait Thalberg comme son unique rival et Marie Pleyel comme sa seule égale.
Si leurs deux noms sont aujourd’hui oubliés, Marie Pleyel et Sigismund Thalberg personnifient une époque charnière dans l’histoire de la musique – celle qui voit émerger, parmi les virtuoses compositeurs comme l’était Thalberg, la dignité de l’interprète telle que l’incarnera avec brio Marie Pleyel. Mais leurs parcours parallèles révèlent également, en filigrane, la place des femmes dans la musique romantique – une place à conquérir au prix de sacrifices, de transgressions et d’efforts surhumains.
Fruit d’une recherche scrupuleuse, le récit croisé de ces deux destins hors du commun se lit comme un roman. L’ouvrage fait revivre quantité de personnages dont les noms figurent encore sur nos programmes de concert ; sous la plume alerte de Corinne Chaponnière ressurgit toute l’intensité de l’époque romantique et de son effervescence musicale.